Novembre 2024.
Dans le grand four des Couturiers (La Selle sur le Bied), la cuisson du jubilé va clore cinquante ans de cuissons au bois pour Francis Leloup, potier autodidacte qui a installé son dernier atelier dans ce hameau perdu, en lisière de forêt.
Les terres employées sont des argiles grèsantes des carrières de Saint-Amand en Puisaye ou de La Borne, dans le Berry. S’y ajoutent quelques porcelaines résistantes à la pleine flamme du grand feu.
Les pièces peuvent être laissées brutes dans les zones favorables au développement de chaudes couleurs sur la terre, ou émaillées.
Les émaux, personnels, sont tous élaborés à l’atelier à partir de mélanges de cendres de végétaux (feuillus, résineux, pailles, herbes et foins divers…) et de roches broyées (craie, talc, feldspaths, etc.). Ces mélanges devront fondre à la température de fermeture de la terre.
Certaines pièces pourront être décorées avec des émaux de même nature.
Dans le grand four, la cuisson durera environ 24 heures avec une progression dans le choix des essences : charme, châtaignier puis cœur de chêne finement fendu à partir de 1000 °C jusqu’à atteindre 1350 °C dans la partie la plus chaude du four.
Et ce n’est qu’au bout d’un suspense de quatre jours, refroidissement oblige, qu’au démurage de la porte tombera le verdict.
À la poterie des Couturiers, la recherche concerne l’élaboration des émaux à partir de la gamme sans limite de roches et de cendres de végétaux que la nature propose au potier mais toujours dans la visée d’un redoutable challenge à honorer : le rendu esthétique des pièces, décorées ou non, émaillées ou non.
Et plus encore : le rendu « matière », que l’indigence sémantique de la profession ne permet guère d’expliquer plus finement.
D’une belle pièce dégageant une lumineuse et chaleureuse énergie, on dira qu’elle a « de la matière », dénomination qui englobe tous les paramètres sensoriels gratifiants qui pourront entrer en résonance avec un esprit doté de sensibilité : texture, profondeur, couleurs…
Et donc, le sens de la poterie des Couturiers, c’est d’essayer de ne faire que des pièces qui aient « de la matière », des pièces qui feront sens avec tout ce qui relève de la Nature : flore, faune, roches, autres objets artisanaux et intérieurs sensibles.
Des pièces d’avant la robotisation définitive du monde… ou bien d’après l’échec de la robotisation définitive du monde…grâce à vous.
Francis Leloup