Huile sur toile, 89×116 cm
Oeuvre originale, 2300 €
LA VOIX DE L’INDICIBLE
Dans son atelier, Charles Ducroux voyage. Les échos de la musique, chez lui, se mêlent aux images fugitives de la rue. C’est à partir de ces deux sources qu’il construit pas à pas son œuvre. Une impalpable nostalgie naît de chacune de ses toiles où bruns et gris dominent. Des présences silencieuses les traversent, comme sur le quai d’une gare ou le trottoir d’une ville qui pourrait être la nôtre.
Ses images sont empreintes d’une magie singulière, d’une gravité énigmatique. Elles obligent le spectateur à s’arrêter, à faire une pause. On erre, on vagabonde dans un espace à demi vaporeux,
sans borne. Les visions que nous recevons ressemblent un peu à des mirages, comme si leur matière même vibrait sous un léger voile de chaleur. Ce ne sont pas des portraits, mais des séquences de vie. Les passants de Charles Ducroux nous émeuvent mystérieusement. On n’ose pas détourner les yeux, de peur qu’ils n’aient quitté la toile pour aller leur chemin, sans le moindre regard pour nous.
Une palette oscillant entre gris et bruns, une peinture qui pourrait se lire comme une sorte de roman d’aujourd’hui, telle nous apparaît l’œuvre de Charles DUCROUX, inspirée par les figures que l’on croise au hasard des rues de New York ou Nashville ; là une femme et un enfant ; ailleurs encore un homme seul à Chicago.
A quoi peut ressembler leur quotidien, leur réalité de chaque jour ? Nul ne le sait, pas même le peintre qui ne néglige rien du décor où évoluent ces antihéros (cafés, avenues, architecture industrielle, sites affectant parfois une froideur avenante). Il a seulement saisi un instant, une séquence fugitive de leur vie. Un moment chargé de mystère et d’indescriptible émotion. Comme eux, il se veut de passage, ce qu’en réalité nous sommes tous, y compris ceux qui feignent de croire qu’ils dirigent le monde. Le temps inexorable est indifférent à nos gestes. On sent chez Charles DUCROUX un immense intérêt pour les gens, comme s’il devinait leur raison d’être et d’espérer. Les titres, sobres, ne disent rien des circonstances qui ont attiré l’œil du peintre, comme si tout commentaire devait violer l’intimité de ses personnages, saisis sans préméditation.
Luis Porquet, critique d’art